La fourmi, ayant trimé sans retenue, se trouva fort bien pourvue quand l'âge extrême fut venu, celui de la retraite obligatoire.
Ayant aux pucerons payé toutes ses traites, s'étant aussi cassé le cul à cotiser pour la sécu, elle eut enfin le droit à n'avoir plus aucun souci. Télé, kiné, visite du Député, tout fut conçu pour que la mort vînt à l'insu.
Mais l'insatiable besogneuse, ne sachant pas ne plus rien faire, voulut reprendre du service. Nul ne sut qui dénonça; la voici convoquée, convaincue de vice et priée de rester coite.
S'estimant inadéquate quant à la vie en fourmilière, pourtant égale et universelle, elle en vint à mendier refuge auprès de la cigale, qui comme elle avait peu rajeuni, mais dont l'aile avait apprivoisé la bise et dont l'art s'était nourri de manque et de lacune. Elle chantait comme toujours et dansait comme aucune et n'envisageait point d'autre retraite que la mort, et encore...
La fourmi ne lui en fit pas peu l'éloge, formula le vu d'entrer dans la danse, insista pour nettoyer la loge, la remercia pour tout et pour le reste, lui rendit grâce aussi de n'avoir point gardé rancune contre ceux coupables d'avarice...
« Sans rancune ? sourit la cigale, au comble du régal, mais qui commençait à craindre pour sa quiétude, si j'ai atteint l'âge des varices ce n'est point, ma bonne amie, pour avoir des fourmis dans les jambes. »