Pour jouir des vertus qu’on prête à la revanche, notre lièvre convie dame tortue à la deuxième manche ( en attendant la belle qui aura lieu dimanche ).
– Mais pourquoi t’obstiner à porter à dos ton cercueil ? lui lança-t-il au seuil du départ, alors que la fraîcheur de ton teint n’en justifie pas l’usage avant longtemps ! Crains-tu donc à ce point quelque issue funeste à chacun de tes pas ? Laisse-là ce fardeau à qui goûte au trépas. Ton allure, vois-tu, n’en sera que plus vive ! ( et surtout me fera moins t’attendre au but...)
– Vous m’attendez déjà, vous qui n’avez pourtant que votre langue à porter ? lui répond-elle à mi-parcours, l’ayant rejoint au fleuve à franchir, le bac étant en grève et la grève... illimitée.
Celui qu’on n’a pas fait nageur voit l’autre arriver seule au but, et, fort patiente l’attendre encore.
Le lièvre et la tortue ayant déjà concouru ( et gagné ex æquo une gloire immortelle ), c’est au tour du lapin, rongeur de carotte, et de l’escargot, poinçonneur de laitue, de se placer sur la ligne de départ.
Le rongeur se retrouve aussitôt sur celle d’arrivée.
Quant au perdant, il gagne… son procès ! au motif que l’enjeu de la course, un bouquet de... carottes, ne pouvait guère lui ouvrir l’appétit, dont celui de vaincre.
Il eût fallu, admit la Cour, y adjoindre quelques feuilles de laitue pour que notre plaignant fût aussi stimulé que son rival, désormais déclassé et convaincu sinon de fraude, du moins que rien ne sert de courir sans un bon avocat...