en   MOT  dièse
petite  ANTHOLOGIE  de  poésie  et  de  musique  de  chambre

de Philippe MARTINEAU

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Le Poète de grand chemin
et le Poète de cour
parodie de « Le Loup et le Chien »


    Un poète de grand chemin, qui n'avait que les mots à se mettre sous la dent, croisa en route un poète de cour, à l'embonpoint provocateur et à la gorge taurine au fond de laquelle grouillaient boudins et saucissons. Charcuter ce versificateur et le couper en... rondels, notre affamé l'eût fait sans façon ; mais il fallait un sécateur et beaucoup de cuisson, et risquer en outre l'indigestion !

    Optant pour la diplomatie, il fit au lourdaud compliment pour ses rondeurs de galion, et l'autre fut si flatté qu'il s'en dévissa la vessie avant que d'entonner une sonate pour trompe à pets, sa toute dernière composition (ou si vous préférez, décomposition), dédiée à son maître et seigneur : Sa Majesté le Roi Louis d'or.

    Estimant avoir donné un aperçu suffisant de la profondeur de son instrument le « trompe-à-pétien » se crut alors obligé d'expliquer la cause de son encombrant embonpoint :

    « C'est qu'à la cour les vers riment avec couverts, car le Roi et ses marquis ont le culte du beau vers et n'ont de cesse que de convier à leurs festins les tisserands du verbe, même ceux qui, comme moi, s'accompagnent à la trompe à pets. Et si votre muse a tant faim de nourritures terrestres, qu'elle me suive donc pour être du prochain banquet ! »

    Et notre vagabond, tout estomaqué, d'emboîter le pas du courtisan.

    Chemin faisant, notre affamé (s'étant soudain de la fameuse fable rappelé) vit le trou du courtisan pelé.

      « Vous allez me trouver fort indiscret, osa-t-il, mais... quel chancre a pu vous mettre l'anus dans un pareil état ?

— Ne parlez pas de chancre je vous prie ! c'est que mon maître et vénéré seigneur aime tant à me prendre en levrette, voilà tout. Mais que rien de tout cela ne vous inquiète : ce n'est qu'un coup à prendre, même si la toute première fois, je le confesse, le Roi et ses marquis trouvèrent trop vert mon trou de trouvère. »

    Et pour réprimer toute velléité réprobatrice il ajouta :

    « Vous n'auriez quand même pas voulu que ce noble aréopage, qui a lu, ou a fait lire, Voltaire et Rousseau, se contentât d'esclaves, de chèvres et de vils pourceaux ? »

À cela l'autre n'osa rétorquer, de peur de passer pour amant du passé. Mais néanmoins soucieux d'épargner le décor, il s'esquiva soudain en serrant les fesses, et les serre encor.



in « Épure en âge d'incarnation » - édition 2005

Lire et écouter la fable de LA FONTAINE


par Henri NAFILYAN :
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