en   MOT  dièse
petite  ANTHOLOGIE  de  poésie  et  de  musique  de  chambre

de André FRÉDÉRIQUE

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Réception

« Vous voyez tous ces boutons » me dit le chef. « Celui-là, le bleu sur la gauche, quand le ministre entrera, vous appuierez dessus. La Marseillaise éclatera. La musique terminée, vous presserez sur le bouton vert pour les acclamations, vivats et bravos. Et avec prudence ( une prudence infinie) une légère presssion à peine esquissée sur le bouton rouge vous donnera quelques cris hostiles, pour la vraisemblance.

Le bouton noir, si vous appuyez légèrement comme cela, retirera le chapeau du ministre et son pardessus. Puis un effleurement sur le bouton blanc le brossera.

A ce moment, n’oubliez pas le bouton gris amenant le fauteuil juste sous le séant du ministre. Un coup, un seul sur le bouton rose et le ministre s’assoira. Vous avez compris ? »

Ce n’était pas bien difficile. J’inclinai affirmativement la tête. Puis nous allâmes déjeûner copieusement.

De retour devant le tableau de bord, je m’étonnai de l’instabilité des boutons de commande, que j’avais quitté une heure avant en parfait repos. Tout dansait sous mes yeux. Essayant de me remémorer les instructions du chef, je m’entrainais à poser les doigts sur chacun des boutons dans l’ordre indiqué. Mais par un curieux phénomène, visant l’un, c’était l’autre que j’atteignais.

L’heure de commencer sonna.

L’entrée du ministre, je ne sais pourquoi, fut saluée par une bordée d’injures grossières et de coups de sifflet. Quelques coups de feu furent tirés, je crois m’en souvenir. Une Marseillaise à peine murmurée essayait vainement de se faire entendre du fond de la salle. Du banc des notabilités ecclésiastiques les jurons les plus gras semblaient sortir.

Quelques bons coups de brosse eurent vite raison de la fureur du ministre qui vint s’affaisser complètement au pied des tribunes sous le poids du fauteuil, tandis que la brosse s’acharnait sur lui.

Alors qu’il gémissait, lentement, dans un style impeccable, une machine le débarrassa de son chapeau et de tous ses vêtements.


par Philippe LEJOUR (bio) :
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