Le jeu de l'Oie
Ayant fait langue basse
sur quelque confit d'oie,
un goupil bien truffé
(et qui n'a point perdu envie)
dit à une oie encore en vie :
« Croyez qu'on est navré de vous voir mise en cage
mais qu'on peut sans délai, si tel est votre vu,
faire ôter le verrou et vous rendre au bocage,
là où le grain se plaît d'être en nombre
et où l'ombre est fruit de l'herbe folle...
Croyez bien qu'on me navre en me gavant ici,
lui dit-elle assez fort (assez fort
pour que les chiens s'inquiètent de son sort),
mais le salut de votre âme vaut qu'on y pense
bien plus qu'à celui... de votre panse. »
Là-dessus, l'on aboie, l'on court, l'on charge,
et pris de court notre truffé prend le large,
car toute bataille entre la meute et lui
aurait tôt fait d'amenuiser sa taille.
in « Pique-nique chez La Fontaine »
- édition 2005
par Michelle MANET (
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