Qui dit sous, dit soucis. Par plus devancier que moi ce constat s'est vu conté. Mais daignons, sans froncer le sourcil, qu'il le soit à nouveau après l'avoir été.
N'ayant point de patron, un Savetier n'a que des clous à cogner. Il peut être fier, pensez-donc : son métier permet à tout un bourg de marcher droit, et d'écraser maint étron.
Cogner, cogner toujours ! c'est là beaucoup de bruit pour qui est mon voisin, se plaint un Financier (qui comptait sur le jour pour achever sa nuit). Votre esprit, dit-il à l'artisan, est des plus délicats ; les traits qui vous figurent sont là pour l'attester. Vous méritez bien mieux que le sort qui vous pèse ! Prenez donc ces ducats, vous verrez : point n'est besoin de les cogner pour vivre à l'aise. Et l'autre part tout content de tromper son destin avec un tas d'or ; son donateur enfin s'endort.
Mais ce qui doit arriver
arrive à l'heure : suspectant autrui d'en vouloir à
son bien, il fait fuir qui l'approche, dont le sommeil réparateur
; et ses jours - comme ses sous - sont comptés. La Fontaine
en son temps eut pitié et remit tout en ordre. Quant à
moi, pas poète pour un sou, je n'en ferai rien.
in « Fables de compagnie » édition 2010
(voir LIBRAIRIE)
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la fable de LA FONTAINE